L'Observateur, 19 septembre 2005
http://www.observateur-guinee.com/
Africatime
http://www.africatime.com/guinee/nouvel ... ategorie=5
INTERVIEW DE SINKOUN KABA, PRÉSIDENT DE LA FÉDÉRATION GUINÉENNE DES JEUX DE DAMES ET D'ECHECS ( FGJDE)
(L'Observateur (Gn) 19/09/2005)
M. Sinkoun Kaba, directeur général de ‘’Sinkou Kaba Transit’’, président de la FGJDE, est un amoureux des sports cérébraux. Lui et quelques amis partageant sa passion ont ressuscité, en 2004, après seize années de disparition, la fédération nationale qu’il dirige aujourd’hui avec dévouement et abnégation. À la veille d’accompagner l’équipe guinéenne à deux championnats mondiaux de dames en Europe, L’Observateur a pris langue avec lui. Exclusif.
L’Observateur : Le jeu de dames et les échecs sont pratiqués en Guinée depuis fort longtemps, et le premier constitue une véritable passion chez toutes les générations. Mais en quelle année la Fédération guinéenne des jeux de dames et d’échecs a-t-elle été créée ?
Sinkoun Kaba : La Fédération a été créée en 1982 par un arrêté ministériel du haut commissaire pour les Sports et la Culture Sékou Tounkara. Dès 1984, la Guinée a été affiliée à la Fédération mondiale des jeux de dames (FMJD), fondée en 1947 par la Hollande, la France et la Suisse, dont le siège se trouve à Amsterdam. Bien que la fédération guinéenne soit mixte, une Fédération internationale d’échecs existe à part.
Quel est le bilan de la FGJDE en termes de compétitions ?
En 1986, la Guinée a organisé un championnat d’Afrique de jeu de dames, à l’ex-hôtel Gbessia. Nos joueurs ont été en compétition avec ceux du Sénégal, de la Gambie, de la Côte-d’Ivoire et de la Mauritanie. Le Sénégal l’a emporté.
En 1987, au championnat d’Afrique organisé au Mali, notre compatriote Sékou Amadou Cissé dit Chérif a offert la troisième place à la Guinée. Ce rang lui a valu le titre de « maître international ». Car la Fédération mondiale, selon ses règlements, décernait ce titre à chacun des cinq premiers du championnat d’Afrique, en l’accompagnant d’une distinction et d’une coupe. À l’époque, les cinq meilleurs joueurs de dames d’Afrique participaient au championnat mondial. Aussi Sékou Amadou Cissé ‘’Chérif’’ devait-il représenter la Guinée au championnat mondial qui s’est tenu en 1988 au Surinam. Malheureusement, pour des raisons de difficultés budgétaires, un Sénégalais a dû le supplanter.
Finalement, en 1988, le pont a été coupé entre la Guinée et la Fédération mondiale pour non paiement des cotisations annuelles réglementaires. Il a fallu l’avènement d’une nouvelle équipe dirigeante en 2004 pour qu’au terme d’âpres négociations avec la FMJD, la Guinée soit classée dans la catégorie des « fédérations à reprise ». On nous a demandé de verser les arriérés de cotisations des cinq dernières années seulement (de 2000 à 2004, inclusivement). Soit 560 euros. Nous l’avons fait sur fonds d’emprunt, sans le concours de l’État. Dès lors, la Guinée a obtenu des places pour le championnat mondial par équipe et pour le championnat mondial individuel.
Dans quelles conditions est advenue la nouvelle équipe dirigeante ?
Comme je l’ai dit tantôt, la rupture avec la Fédération mondiale avait eu lieu depuis 1988. Seize ans après, en 2004, quelques nostalgiques de notre affiliation à la FMJD, prenant en considération la démission de l’ancienne fédération nationale, ont pris l’initiative de convoquer un congrès pour l’ériger en assemblée élective. J’ai ainsi eu l’honneur d’être élu président de la Fédération guinéenne des jeux de dames et d’échecs, pour un mandat de quatre ans. La Fédération est constituée de quatorze membres, dont une femme, elle a deux vice-présidents.
Êtes-vous vous-même joueur de dames, M. Sinkoun Kaba ?
Oui. Depuis mon enfance, j’ai été fasciné par ce jeu cérébral, et je le pratique depuis.
Quel est votre souci majeur aujourd’hui après cette longue traversée du désert de la FGJDE ?
Notre souci majeur est de relancer en Guinée les jeux de dames et d’échecs, parce qu’on a tendance à les reléguer au second plan, bien qu’on ait des joueurs de haut niveau. Vous savez, beaucoup de préjugés entourent ces jeux, surtout les dames. On dit volontiers que le jeu de dames est prohibé par la religion, que c’est un divertissement malsain, je ne sais quoi encore. Pourtant, ce jeu développe l’intelligence, le mental, la sociabilité et la tolérance. D’ailleurs, comme le football, c’est la passion de beaucoup de Guinéens. Le promeneur le remarque aisément, en voyant un peu partout dans nos villes des attroupements autour d’un ou de plusieurs damiers.
En Hollande et en Russie, les jeux de dames et d’échecs sont enseignés à l’école comme des matières à part entière. Voilà sans doute pourquoi ces deux pays produisent des champions hors pair.
L’un de nos objectifs primordiaux est de vulgariser les échecs au même titre que les dames. C’est un jeu certes élitiste, très cérébral, comportant des combinaisons complexes, mais il est accessible à qui veut. Pour atteindre cet objectif, nous souhaitons vivement l’implication des autorités administratives et politiques du pays. Vous savez, nous avons de grands joueurs d’échecs. Par exemple, le directeur technique de notre Fédération est le meilleur joueur d’échecs de la Guinée.
Concrètement, comment un championnat se déroule ?
Avant de répondre à votre question, je dois d’abord vous dire qu’on a organisé un championnat à Conakry, à Novotel, du 6 au 16 juin 2005, conformément à notre programme d’activités annuel. Quatorze joueurs devaient être en lice, mais nous avons constaté l’absence des deux représentants des forces armées et le jet d’éponge des concurrents Amadou Diallo, de Mamou, et Alpha Feindouno, de Matam. Donc seuls dix joueurs ont participé à la compétition. Il y a eu dix rondes, autrement dit tous les joueurs se sont rencontrés. Celui qui a totalisé le plus de points au terme de ces rondes est devenu le champion. C’était Laye Oussou Diawara, de Matam.
Ceci dit, pour en venir à votre question, une partie se joue en cinq heures. Selon la pendule – placée à gauche de chaque joueur –, il faut faire au moins cinquante coups en deux heures. Sinon, on est « battu par pendule ». Le blanc a toujours le trait (i.e. joue le premier), et le damier est posé sur une table et non sur les genoux.
Normalement, pour permettre au public de bien suivre les jeux et aussi éviter au joueur un contact proche avec les gens – ce qui peut réduire sa concentration –, les parties sont projetées sur écran. Pour le moment, n’ayant pas les moyens logistiques, nous mettons un cordon autour des deux concurrents pour les « isoler » un peu.
Cependant, la Fédération mondiale compte aider la Guinée tant sur le plan de la logistique que sur celui de la documentation. La FMJD publie une revue trimestrielle, Le Monde damiste, qui contient les parties jouées avec leurs analyses par des spécialistes et aussi des informations. Elle fournit également des documents d’apprentissage ou d’approfondissement du jeu de dames.
Sachez que lors des compétitions, toutes les parties sont notées sur une « fiche de notation ». Puisque les cases du damier sont numérotées, chaque coup est noté (exemple : 1-6). Grâce à ce système, une partie jouée par deux adversaires est fidèlement conservée sur papier et, aujourd’hui, sur support électronique. De même que les analyses faites autour de cette partie. Il y a des spécialistes pour cela, ils montrent les erreurs commises par chacun des deux joueurs à tel ou tel coup, disent ce qu’il devait faire ou comment il pouvait rectifier son erreur aux prochains coups, etc. Ainsi, on peut reconstituer les parties des grands joueurs du passé.
Vous êtes sur le point de participer à deux championnats mondiaux, en Italie puis en Hollande. Avec combien de personnes allez-vous vous envoler le mardi 12 septembre ?
Il y aura quatre joueurs, quatre encadreurs et un journaliste de la RTG pour assurer la couverture des deux tournois. D’abord, nous jouerons le championnat mondial par équipe (de quatre joueurs) en Italie, du 17 au 26 septembre. Ensuite, nous nous rendrons en Hollande pour le championnat mondial individuel qui se déroulera du 5 au 26 octobre 2005. En individuel, un seul concurrent doit jouer : le premier.
Le championnat mondial par équipe est organisé par la Fédération italienne des dames en collaboration avec le comité olympique italien (COMI), l’un des plus riches comités olympiques du monde. Ce sera aussi, bien évidemment, avec le concours des sponsors officiels de la place.
Un message ?
Comme vous le voyez, grâce à la nouvelle équipe dirigeante, le jeu de dames connaît une renaissance en Guinée. Le combat que nous menons est celui de tous les Guinéens. J’invite tous les opérateurs économiques guinéens à s’investir dans la chose sportive, notamment pour le renouveau et la consolidation du jeu de dames dans notre pays. C’est le lieu aussi de remercier mon département de tutelle, celui de la Jeunesse, des Sports et de la Culture, et en tout premier lieu le ministre el-hadj Fodé Soumah qui s’implique beaucoup pour la relance de ce sport cérébral en Guinée. Il nous a constamment montré sa disponibilité à nous soutenir, il nous a toujours reçus favorablement. Enfin, je rends un hommage particulier à notre parrain, le chef d’état-major des armées le général Kerfala Camara ; il nous assiste tant sur le plan moral que sur le plan financier. Toute la Fédération le remercie très sincèrement.
Bonne chance à l’équipe guinéenne en Italie et en Hollande !
Merci, et mes encouragements à votre journal, L’Observateur, un très bon hebdo.
Interview réalisée par
El Béchir
© Copyright L'Observateur (Gn)